Récit n.m. Relation écrite ou orale de faits réels ou imaginaires
C'est en 1956 que le joyau voit le
jour. M. Et Mme. Zavadil en sont les heureux propriétaires. Sont-ils
frère et soeur ou mari et femme ? Peut-être est-ce des jeunes
mariés qui se lancent dans une folle aventure ? Pourquoi une
bijouterie ? Est-ce une tradition familiale, un investissement
prometteur, un secteur en pleine expansion ?
L'arcade qu'ils acquièrent est une
aubaine. Située dans un beau bâtiment de l’îlot historique de la
Tour Maîtresse, en plein coeur de Genève, elle leur garanti un
avenir prometteur. Le volume est très beau, il y a du marbre aux
murs, des plafonds hauts et des moulures. Néanmoins, ils désirent y
apposer leur style et rendre l'environnement de leur nouvelle
boutique plus contemporain.
Des parois de plâtre sont montées
devant le mur d'origine puis recouverts d'un papier peint rayé vert.
Les rayures sont nacrées, signe de préciosité. Une moquette est
posée au sol, afin de le rendre plus agréable au pied. Cette
dernière est verte elle-aussi, d'un ton qui s'harmonise avec les mur
et a un motif en quadrillage. Finalement, un faux plafond est posé,
selon le même quadrillage en diagonales que le sol, rabaissant
considérablement la hauteur sous plafond. C'est l'entreprise
autrichienne Norma qui réalise les travaux.
La bijouterie connaît certainement un
âge d'or. On vient y acheter des bijoux pour une fiancée, des
gourmettes pour un nouveau-né, des alliances que de jeunes époux
s'échangeront en gage de leur fidélité. Le fleuron de l'horlogerie
genevoise y est présenté. Des sourires, des regards brillants et
émus, du passage, des présences, un bal...
Nous voilà déjà en 1985. Les Zavadil
sont attachés à leur petite échoppe mais de grands magasins ont
envahis les environs. Les choix proposés par ces derniers rendent
l'offre marchande plus diversifiée. Des produits moins chers ont vus
le jour. Malgré une clientèle d'habitués, la fréquentation du
joyau décline, la tapisserie leur paraît tout à coup délavée, la
moquette usée et salie. Ils décident qu'il est temps d'offrir un
lifting à leur boutique.
Les moyens manquants peut-être, ou la
nostalgie étant trop forte, les Zavadil ne retirent pas l'ancien
revêtement mais ajoutent une couche. Ce choix nous permettra de
remonter le temps tels des archéologues.
Après de grands débats devant
l'infinité de possibilités de revêtements désormais proposée,
ils optent pour le classique presque intemporel du bois de ronce,
associé à des miroirs et à un faux plafond doré. Ils recréent
ainsi une brillance multipliée qui permet aux clients de s'admirer
tout en gardant un oeil attentif sur eux. De la ronce de noyer donc.
- Oui mais en imitation. L'efficacité dans le temps des stratifiés
est prouvée depuis quelques années et les Zavadil ne désirent pas
connaître à nouveau la déconfiture du papier-peint délavé.
Christiane Zavadil en est toujours très
satisfaite 20 ans après. La couleur n'a pas bougé, une tache
s'élimine aisément et son effet décoratif est intact. Cependant,
en 2012, elle est amenée à vendre son joyau. En effet, elle prend
sa retraite et l'âge d'or de la bijouterie n'est plus qu'un lointain
souvenir, elle est à bout de souffle.
C'est par un coup de téléphone
surprenant que Christiane apprend alors que le nouveau propriétaire
de l'arcade a tout vidé, qu'il s'est débarrassé de ce décor qui
l'avait entouré tant d'années durant. Au téléphone, elle adopte
un ton sévère et coupe court, elle préfère ne plus en entendre
parler, le joyau est désormais derrière elle.
Un architecte ? - Elle ne se
souvient plus. Une entreprise ? - Non plus. Des photos
d'archive ? - Pas d'avantage, elle regardera, rappelleras
peut-être – finiras par oublier.
Le joyau restera une énigme, à chacun
d'imaginer l'histoire de ces murs, de recomposer librement autour de
ces quelques éléments récupérés, recueillis.
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