Depuis quelques temps, nous espérions
trouver un local pour notre collectif. C'est désormais chose
acquise. L'idée d'installer les matériaux comme décor de notre
propre bureau nous séduit particulièrement. En effet, outre
l'occasion pour nous des les ré-assembler et d'en avoir une vision
d'ensemble, nous pensons que cette simple action d'appropriation peut
leur donner du sens et devenir un symbole de la « coolitude »
de notre studio. En effet, nous avons remarqué, notamment lors de
notre étude dans la ville, que le public attend énormément des
designers. En s'appropriant les matériaux comme décor de notre
bureau, nous les validons d'une certaine manière et les faisons
intégrer une sphère d'actualité créative.
Pour exprimer plus clairement notre
concept, nous nous sommes intéressés au phénomène de
gentrification de quartiers urbains. Bien que quittant la sphère
propre aux revêtements intérieurs, cette comparaison semble
pertinente sur bien des points.
Le terme de gentrification est pour la
première fois utilisé en 1963 par la sociologue Ruth Glass pour
désigner le phénomène de transformation progressive de la
structure sociale des quartiers. Ce dernier bien que dépendant de
facteurs locaux spécifiques présente des caractéristiques
communes.
Il démarre dans des quartiers anciens,
à la population populaire vieillissante, et délaissés par les
pouvoirs publiques. Ces quartiers n'étant à priori pas attractifs,
les loyers y sont généralement bas, ce qui attire petit à petit
une nouvelle population d'étudiants et d'artistes, cherchant à se
loger. Cette première vague de « gentrificateurs » est
en outre souvent attirée par des valeurs communautaires et de
partage.
A la fois dans le dessein d'acquérir
un statut social reconnu et pour affirmer ces valeurs, cette
population s’investit dans la vie du quartier. C'est un double rapport
d'identification entre le lieu et les valeurs symboliques qu'il
véhicule (l'ancien, la convivialité, le contraste avec la banlieue
moderniste) et d'appropriation et de renforcement de ces mêmes
valeurs. Cette conquête qui contribue à la construction
identitaire des « gentrificateurs » devient également
montre de leur créativité.
Les lieux investis, de manière souvent
clairement lisible (empreinte sur la façade des bâtiments,
organisations d'événements, ...) deviennent connus d'une plus large
portion de population. Généralement plus diplômée, elle exclu
petit à petit les anciens habitants des classes inférieures,
jusqu'à ce que le quartier devienne le nouveau lieu à la mode.
Les loyers alors augmentent et l'on voit s'installer partout des
bourgeois bohèmes, des avocats, etc.
Nous constatons que, dans ce phénomène,
c'est bien la présence et l'acquisition territoriale remarquée de
quartiers par des créatifs qui sont à l'origine d'un nouvel
engouement. De même, ces lieux chargés d'histoire ré-affirment la
position d'inventivité et de valeurs décalées de ceux qui les
investissent.
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